La SPIRITUALITE de la MILICE de JESUS-CHRIST selon trois discours de son ancien Grand Maître 1989

Bien que séculaire, l’institution appelée “Milice de Jésus-Christ” est toujours jeune puisqu’elle s’est adaptée volontiers aux directives conciliaires. Matériellement, elle réunit des laïcs de tous milieux et des clercs, groupés actuellement en «provinces» en France, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Togo, Bénin et Brésil, ainsi que des isolés en d’autres pays.

Formellement, l’objectif de ses membres consiste à vivre les conseils évangéliques selon leur état propre, à l’aide de la spiritualité de saint Dominique et dans un esprit chevaleresque rénové, en pratiquant des œuvres de formation doctrinale, de piété mariale et de justice sociale «collaborant étroitement aux initiatives qui relèvent du Conseil Pontifical pour les Laïcs» dont elle dépend. Elle est dirigée par un Maître Général, laïc, assisté de son Conseil, sous le contrôle d’un assistant ecclésiastique international.

«Elle a pour but essentiel le règne de Jésus-Christ dans la société», par la sanctification de ses membres et leur apostolat. Elle organise chaque année, soit au niveau de ses «provinces» nationales, soit à celui de ses «maisons» locales, de nombreuses réunions qui comportent des cérémonies religieuses et des conférences spirituelles. Au plan international, la Milice de Jésus-Christ se réunit deux fois par an en «chapitres». Un thème général d’étude fixe pour l’année les travaux de chacun de ses membres et des provinces.

DISCOURS au 48e CHAPITRE DU ROSAIRE à SENS, le 30 septembre 1984

Frères et Soeurs,

Lors du Chapitre Général tenu en Belgique, en 1983, à la Pentecôte, j’avais annoncé un discours sur la physionomie spirituelle particulière de notre Milice. C’est aujourd’hui, et sous le patronage de la Reine du Très Saint Rosaire, qu’il sera prononcé, en cette église dominicaine, où nous sommes repliés du fait de la durée des travaux dans notre église Saint Pierre.

Puissent nos patrons secondaires, Dominique, Pierre et Catherine, qui m’ont aidé dans ma rédaction, vous faire comprendre à vous qui m’entendez ici et à tous ceux, absents de corps mais présents de cœur qui attendent ma parole, – qu’ils recevront le plus rapidement possible par l’imprimé – puissent nos patrons vous faire comprendre pourquoi nous existons et pourquoi nous sommes réunis.

J ‘avouerai, tout de suite, éprouver une certaine gêne à la pensée que mon exposé sera fait en présence d’un Frère Prêcheur, et de quel Frère Prêcheur!  Un professeur, un savant, un maître, un grand spirituel… Mais comme il n’est pas que cela, et qu’il est aussi un grand ami, je suis sûr qu’il pardonnera mes insuffisances et qu’au besoin, pour rendre hommage à la vérité, il voudra bien retenir mes “à peu près” au passage et les mettre au point après cette cérémonie.

Qu’il sache, au préalable, que depuis vingt-cinq ans, lorsque j’utilise l’adjectif “dominicain” à notre sujet, ce n’est jamais pour me réclamer de l’Ordre dominicain. Quand je dis “dominicain”, j’entends toujours : “saint Dominique”, car la spiritualité “dominicaine” ne constitue pas une exclusive propriété des Prêcheurs, cela s’est étendu, n’est-il pas vrai?

Certains nous ont reproché quelquefois «d’être fiers parce que nous ne sommes pas nés d’hier» et il est un peu vrai que nous aimons notre passé, mais si nous nous plaisons à retrouver nos traditions, nous savons qu’il est beaucoup plus important pour nous qui vivons en ce siècle que «tout en n’étant pas nés d’hier» nous répondions à des souhaits du
Saint Concile contemporain. Nous ne constituons pas un musée dans l’Église, nous vivons dans l’actualité.

Et c’est pourquoi, en prologue, je citerai deux fois “Apostolicam actuositatem“:

«La mission universelle de l’Église, étant donné la mise en place progressive des structures et l’évolution de la société actuelle, requiert de plus en plus le développement des associations apostoliques des catholiques au plan international.»

Alors, ne constituons-nous pas, comme tels, un mouvement apostolique et international ?

Écoutez encore :

“Les laïcs, qui selon leur vocation particulière se sont agrégés à des associations ou instituts approuvés par l’Église, doivent s’efforcer de toujours mieux réaliser ce qui leur est propre…”

 

Ne sommes-nous pas invités, par là, avec notre ancienneté et nos traditions, à toujours mieux réaliser ce qui nous est particulier ?

N’ayons donc pas peur d’être ce que nous sommes. «Hier» peut rester notre propriété puisque nous avons accepté de nous adapter à «aujourd’hui». Écoutez maintenant un autre texte pontifical. Celui-ci nous est encore plus proche – si l’on peut dire puisqu’il s’agit de celui approuvant nos Constitutions :

«La Milice de Jésus-Christ qui,dans les siècles passés, a toujours été une Institution au service des fidèles, unie au Siège apostolique, revivifiant la foi par la pratique des œuvres de charité et de piété, n’a pas cessé, y compris dans les périodes les plus récentes, de remplir sa mission bénéfique, même si elle a abandonné ses activités d’Ordre chevaleresque et s’est adaptée aux conditions actuelles de l’apostolat dans lesquelles les laïcs promeuvent la formation spirituelle au moyen d’une vie associative, et elle a toujours donné des preuves exemplaires d’attachement au Souverain Pontife et à l’Église.»

Ne trouvons-nous pas là encore une bonne reconnaissance de la mutation que l’actualité demande de nous?

1. Engagé dans l’esprit chevaleresque – continu et rénové

Pour commencer, définissons-nous : Que sommes-nous ? 

Le Code de Droit canonique 1983 désigne clairement l’Association de fidèles (c’est-à-dire ouverte aux clercs et aux laïcs) comme le groupement dont les buts sont définis par les Statuts et par l’acte juridique qui l’autorise.

«Érigée et confirmée» par le Décret du 21 novembre 1981, notre Milice est bien l’Institution continuatrice, mais rénovée, de l’Ordre chevaleresque dans lequel, personnellement, je suis entré en 1942. J’y ai été reçu par un dirigeant admis en 1933, lui-même l’ayant été par un ressortissant du Grand Maître mort en 1915.

Celui-là, vous le savez, avait été reçu officiellement par Léon XIII et Pie X, son élection avait été approuvée par le Général des Dominicains d’alors et il succédait au chef installé par le Révérendissime Père Vincent Jandel, disciple de Lacordaire et béni par Pie IX.

Tous entendaient garder l’esprit de l’antique Institution, dont Thomas de Sienne, en 1395, et le Bienheureux Raymond de Capoue, Directeur de Sainte Catherine de Sienne et 22e Maître Général, le confirmant, attribuaient la fondation à Saint Dominique et à Saint Pierre de Vérone.

“Dans les siècles passés” dit bien le Décret Pontifical. C’est donc ce que nous croyons, mais ce que nous avons voulu, c’est la continuer par notre adaptation aux temps modernes et aux directives conciliaires. Et aujourd’hui, vingt-cinq ans après le début de la Réforme contemporaine, et trois ans après la nouvelle reconnaissance du Saint-Siège, nous pouvons dire qu’avec son statut ecclésial, la vivante Milice perpétue: histoire, finalité, tradition, symbole et esprit de la même Institution, rajeunie certes, et grâce à l’initiative du Saint-Siège de 1971, transmise par le Nonce à notre Ordinaire de Sens.

2. Son nom – sa marque – son sceau

Notre nom. Il est historique lui aussi. Souvent l’on nous dit: «Le mot «Milice» est bien lourd à porter, surtout en France depuis 1941, et même encore dans d’autres pays, il est bien mal utilisé, changez-le donc.» Il ne me semble pas que ce soit justifié. Il est ajouté «de Jésus-Christ», cela éclaire immédiatement. Ce titre est lié à l’Institution. Un aspect de sa spiritualité apparaît tout de suite: la Militance, le service. Et comme «de Jésus-Christ et de l’Église c’est tout un» notre nom est ainsi, il ne sera pas changé. Là où c’est nécessaire, on peut dire «Militia Christi» ou «Domus Militiae Jesu Christi», cela a été employé jadis, cela peut convenir à nouveau.

3. Pour le règne du Divin Rédempteur

Matériellement, la Milice de Jésus-Christ n’est pas ouverte à tous : ses membres se recrutent, pourrait-on dire, par cooptation. Quelqu’un connaît un bon chrétien, il lui parle, il le présente. Il faut qu’il reconnaisse un appel, une vocation. Et précisément, c’est la physionomie dont nous allons parler qui devra l’attirer. Et il aura deux ans pour apprendre à aimer ce service très particulier et à s’y attacher. Mais il est bien sûr que si nous étions plus zélés à faire connaître notre spiritualité au lieu de nous renfermer en nous, par respect humain ou lâcheté devant la tâche à accomplir, notre recrutement serait plus intense, car il y a beaucoup de jeunes et de moins jeunes qui aimeraient servir le Christ avec nous et chez nous, s’ils connaissaient notre Institution.

La Milice est répandue, certes, mais elle ne l’est pas assez. S’il était connu, son idéal attirerait car, formellement l’objectif de ses appelés consiste à vivre les conseils évangéliques selon leur état propre, à l’aide de la spiritualité “dominicaine” et chevaleresque, quelquefois avec vœu en pratiquant des œuvres de formation doctrinale, de piété mariale et de justice sociale, en collaborant étroitement aux initiatives qui relèvent du Conseil Pontifical pour les Laïcs dont dépend la Milice de Jésus-Christ. Cela remplacera le combat armé de jadis.

Notre but essentiel, lié fondamentalement à notre existence même, étant le Règne du Divin Rédempteur au sein de la société, nous devons le réaliser par notre sanctification personnelle, notre contemplation de l’Evangile, notre application de la Justice et la Charité de notre apostolat. Ce n’est pas notre nombre qui compte, c’est la qualité de notre charité.

4. Imprégné de l’esprit chevaleresque

C’est ainsi que dans le champ des mouvements apostoliques, la Milice de Jésus-Christ entend manifester sa spécificité : la pratique de la chevalerie spirituelle.

La Chevalerie a été l’institution historique, sociale et religieuse dans laquelle les capacités et les valeurs de la condition militaire s’unissaient aux vertus chrétiennes, dans la même mystique et éthique du “Miles Christi“.

Par la Foi, l’Église pacifiait les ardeurs du chevalier pour qu’il mette sa force et ses moyens au seul service des faibles, de la justice et de la paix, faisant ainsi accomplir par le radical renversement des valeurs profanes, une généreuse incarnation du Commandement de l’Amour dans le don de soi héroïque.

Si les nobles vertus de la chevalerie sont : force, morale, respect de la justice, magnanimité, honneur, don de soi, loyauté, fidélité, dévouement, esprit de sacrifice et piété, nous ajouterons ici que la spiritualité de Saint Dominique nous demande encore la contemplation, la propagation et la défense de la Vérité.

Car elles se complètent réellement pour n’en faire qu’une : la spiritualité de la Milice de Jésus-Christ unit chez nous, et rien que chez nous, la chevaleresque et la «dominicaine».

5. Fort de la vérité immuable

“Il y a dans l’âme dominicaine la nostalgie de la vérité et l’avidité de la pleine lumière” dit un auteur.

Cet amour de la Vérité Divine, dont la couleur blanche est le symbole, pousse cette âme de la connaissance doctrinale à la contemplation des mystères de la Trinité, de l’Incarnation, de la Rédemption et de l’Église qui se traduit ensuite par le souci, le zèle du Règne du Christ dans la pratique de la pénitence symbolisée ici par le noir.

S’il est dit aussi du vrai disciple de Saint Dominique, de Saint Pierre de Vérone et de Sainte Catherine de Sienne qu’il est “de la religion contemplative”, nous dirons de nous-mêmes que nous sommes «les petits chiens qui ramassent les miettes qui tombent de la table des maîtres.»

Nos études, certes, sont bien inférieures à celles des Prêcheurs et des Moniales, mais nous pensons avec eux que la piété non nourrie de doctrine n’est pas suffisante et c’est la raison pour laquelle notre réforme recommande tellement les études de la philosophie, de la morale et de la théologie de Saint Thomas.

Et on peut la dire providentielle la rencontre que nous avons pu faire à ce sujet de notre maître et frère Jean Daujat. Dans son adolescence, il avait songé utiliser la spiritualité chevaleresque dans un mouvement à fonder. Disciple de Saint Thomas et fils spirituel de Jacques Maritain, il avait créé, dès 1925, son Centre d’Études Religieuses et, en 1943, comme moi-même, et du même saint Pontife, il avait reçu la «Benedictio novi militis» le créant chevalier d’état.

C’est alors que le 21 novembre 1969, il devient le Directeur de notre «département de la Vérité» et, de ce fait, nos membres parisiens se précipitent à ses cours, les plus éloignés se munissent de ses ouvrages et utilisent le moyen moderne des cassettes et ainsi, la formation doctrinale, «dominicaine» parce que thomiste, revient à la vieille Milice de Jésus-Christ.

C’était comme un retour duquel nous ne nous aperçûmes que plus tard.

Je suis heureux de profiter de l’occasion qui m’est donnée pour exprimer à notre frère, admiration et reconnaissance. Et de le faire devant son ami, qui lui aussi est un maître qui a dispensé et dispense toujours, et même à un plus haut niveau, la même science sacrée.

Chacun d’eux : le religieux, le prêtre et le laïc, le chevalier, chacun d’eux, selon son état, est un exemple pour nous. Enrichissant sa nature avec le secours gratuit de la grâce par l’étude de l’Écriture et la contemplation de la Vérité Divine et de son rayonnement universel, il a livré aux autres ce fruit pour les sauver.

Nous retrouvons la devise dominicaine: «Contemplari et contemplata aliis tradere».

6. Armé du Rosaire dans le sillage de ses pères

Quand le Père Lacordaire a dit: «Si le présent ne réclame pas le secours de la chevalerie chrétienne, il peut venir des jours où les peuples n’en dédaigneront pas la résurrection»… il ne pensait pas à la Milice de Jésus-Christ qui relevait alors du roi d’Espagne et son élève, le Père Jandel, qui la réorganisera quand il sera devenu successeur de Saint Dominique, envisagea, sans doute, non pas ce dualisme mais cette unité de spiritualité.

Derrière la Vierge du Rosaire qui, depuis saint Pie V, est aussi appelée Notre-Dame de la Victoire, parce qu’Elle aide ceux qui luttent contre toute hérésie, toute corruption, derrière Saint Michel, Prince de la Milice céleste, avec sainte Marie-Madeleine qui est à la fois patronne de la Chevalerie et l’une des patronnes des Prêcheurs, avec des saints nés chevaliers comme Bernard, Dominique, Pierre de Castelnau, Thomas d’Aquin, Louis IX et Ignace de Loyola, avec des chevaliers d’esprit comme Pierre de Vérone, Louis-Marie Grignion de Montfort, Maximilien-Marie Kolbe, Catherine de Sienne et Jeanne d’Arc, à défaut «des Peuples» que réclame Lacordaire, la Milice actuelle a voulu résurrection de la chevalerie».

7. Il avance vaillant – magnanime, à l’assaut des citadelles modernes

J’ai parlé des vertus de celle-ci au début de ce discours, je redirai maintenant, après saint Thomas, pour ceux qui la pratiqueraient sans connaître son nom, que «la contemplation est le regard tout pénétré d’amour surnaturel et qui nous porte à aimer Dieu davantage et à le faire aimer.» Et j’emprunterai à un autre célèbre fils de Saint Dominique, le Père Garrigou-Lagrange, que les deux maîtres ici présents ont bien connu, la belle profession de foi suivante :

«Aux âmes qui surtout ont soif de Vérité, Dieu propose comme guide saint Dominique et les grandes lumières de son Ordre : Vérité immuable, infiniment supérieure aux fluctuations de l’opinion ; Vérité supérieure aussi à la liberté qu’elle règle, qu’elle préserve de l’égarement et du crime. Vérité divine de la foi que les Prêcheurs ont défendue au péril de leur vie contre l’acharnement de l’hérésie, destructrice de la société. Vérité affirmée par le sang du saint inquisiteur Pierre, martyr, et de tant d’autres héroïques défenseurs de la foi. Vérité non seulement de l’intelligence mais de la vie ; vie intérieure et extérieure à la hauteur de la pensée, pour que celle-ci ne tombe pas, sous prétexte de modération, au niveau du médiocre, et pour que Dieu soit glorifié. Véracité absolue, haine du mensonge sous toutes ses formes et de l’hypocrisie, loyauté parfaite, magnanimité et franchise, qui sans l’humilité et la charité dégénéreraient en rudesse blessante, mais qui donnent une grande simplicité à cette physionomie spirituelle aux aspects pourtant si divers. Pour rester dans le vrai, elle doit tendre très humblement à de grandes choses, “magnanimiter in re, humiliter autem in modo, fortiter et suaviter“».

Ne trouvez-vous pas, chers Frères et Soeurs, qu’il y a beaucoup de chevalerie dans ce magnifique résumé ?

8. Consacré – son énergie déployée au service de tous

Ne vous est-il pas arrivé, comme à moi, que l’on vous demande: « Que fait la Milice du Christ? » ou «qu’y fait-on ? »

Ceux qui sont habitués dans le monde à ce que l’on entre dans une association pour y atteindre un but palpable, nous proposent même quelquefois un tel but: «Vous devriez faire ceci ou encore cela». Et parmi vous qui m’écoutez, ou qui me lirez, certains ne se disent-ils pas encore: «J’aimerais que notre Milice tout entière se consacre et nous fasse tous nous consacrer à telle oeuvre».

Eh bien non! La Milice chevaleresque et «dominicaine» ne peut avoir, en tant que telle, qu’un seul but : celui de vous faire travailler à la réalisation du Règne de Jésus-Christ dans la société. C’est là son essence même, et elle n’existe que pour cela.

Elle met à votre disposition sa spiritualité. Elle n’est pas une «dévotion», elle constitue pour chacun de nous un état de vie, stable et définitif. Par sa conversion, sa tendance à «la vie parfaite», par sa contemplation de la Vérité qu’il transforme en apostolat, le Militant de Jésus-Christ, à quelque échelon qu’il soit, exécute la mission qu’il a reçue ou qu’il s’est donnée. Et cela, il le fait avec sa Milice.

À un titre supérieur, certes, nous le savons bien, quand un religieux de tel ordre devient, par exemple, aumônier de tel mouvement, on ne dit pas que c’est la congrégation de ce religieux qui s’occupe de tel mouvement. C’est lui, avec l’aide de la prière communautaire.

Il en est de même chez nous, dans notre vie associative : tous prient et chacun en bénéficie dans la Mission qui lui est propre. Depuis vingt-cinq ans, je connais des militants qui, après leur investiture, se sont réellement consacrés à la mission ou aux missions qu’ils avaient acceptées, déterminées soit dans le sein même de la Milice, soit ailleurs. Si je reconnais ici que des Chevaliers du Christ n’ont pas répondu à nos espérances et se sont endormis après leur investiture, ils sont peu nombreux, la plupart ont fourni les actuels membres du Conseil Magistral, les Responsables provinciaux, les Délégués locaux, tous les officiers qui se dévouent pour les autres. Il en a été de même chez les chapelains et les dames. Beaucoup se sont dévoués, peu ont été stériles.

L’an dernier, dans notre thème d’étude figurait la Communion des Saints. Il est une application pratique qu’il convient de faire aujourd’hui:

De même que, dans l’Église universelle les prêtres sont tenus au Bréviaire parce que c’est la prière commune de l’Église par laquelle chaque clerc obtient des grâces pour l’Église elle-même et pour tous les fidèles qui sont commis à ses soins propres à lui prêtre, de même dans notre Milice le fruit des obligations quotidiennes de chacun profite à tous et permet pour ainsi dire, la mission apostolique que chaque membre a à accomplir.

Il y a des personnes maintenant âgées, il y a des malades à qui la lecture de ces lignes doit redonner du courage : ils ont un rôle important à jouer. J’en connais qui ont adopté la prière du Bréviaire, tout ou partie selon les possibilités, j’en connais qui sont fidèles au Rosaire.

Et il y a aussi les bien-portants assidus à la messe du jour. Tous doivent se dire qu’ils collaborent au Règne de Jésus-Christ. Par l’Esprit-Saint, par .la grâce, le militant-apôtre obtient les réserves qui lui sont nécessaires dans son rôle. Avait-on assez songé à cela?

Ce n’est pas autre chose qui viendrait s’ajouter en nos temps, c’est tout à fait dans l’esprit que le Bienheureux Raymond de Capoue prête déjà à Saint Dominique: la participation de la dame à l’action du chevalier.

Certains, certaines, hors de la Milice, mais avec elle, ont déployé un grand zèle dans les mouvements diocésains ou dans leur paroisse. Certains se sont mis au service du temporel, c’est affaire de laïc catholique, d’autres dans les oeuvres caritatives tellement nécessaires que l’Église en a suscitées de tous les temps.

Que celui, que celle qui aujourd’hui trouve qu’il n’a pas fait assez depuis son investiture ou son engagement définitif prenne la bonne résolution de s’amender. Il est toujours temps pour se livrer à un devoir que l’on a librement accepté sous l’influence de la grâce, «dont les deux fonctions principales sont de guérir la nature et de l’élever surnaturellement».

Rappelons-nous tous que «nos actes extérieurs ne sont chrétiens que dans la mesure où ils sont motivés par notre charité», c’est-à-dire l’amour surnaturel que nous avons pour Dieu et le prochain et, à plus forte raison, lorsque nous voulons amener ou ramener vers Dieu ceux que nous rencontrons.

La Milice, en somme, c’est la chevalerie apostolique. En ces deux mots se concrétise tout un programme de vie.

9. «Jusqu’au bout dans son amour pour son Église» (Ste Cath. de Sienne)

Mais attention! Et je dis attention parce que l’on m’a demandé de bien le préciser : gare à l’esprit de secte… La crise que subit la société contemporaine et qui se répercute sur l’Église a causé un déséquilibre dans bien des âmes et il y a de nos jours un étonnant retour au morcellement comme il en était aux premiers siècles du christianisme: là, la tradition exagérément utilisée va jusqu’à séparer de l’unanimité de l’Église ; là, les rites officiels sont abandonnés au profit d’un créativisme forcené qui sépare aussi de l’Église ; là, d’autres minorités se divisent encore par l’adoption de doctrines ou de pratiques dévotionnelles soit anciennes, soit nouvelles, mais non garanties de l’autorité de l’Église ; là, on se renferme dans un illuminisme communautaire hors duquel on ne voit point de salut pour les autres; là, on particularise par trop le secret de l’appartenance.

Vous l’avez bien vu, notre spiritualité se définit clairement. Ses deux composantes sont chacune officiellement reconnues dans l’Église et dans la société. Relevant du Saint-Siège, la Milice se sait dépendante, comme toutes les associations prévues par le Code de Droit canonique, des évêques des églises particulières où elle est implantée qui ont d’ailleurs le droit de contrôle sur toutes les associations (Canon 305) exerçant une activité dans le diocèse.

Nous ne sommes pas membres d’une secte libre, exclusive et marginale. Nous tenons à tout de la Religion catholique authentique.

10. En Jésus-Christ, Fils du Père, sous la bannière de sa généreuse Collaboratrice

En conclusion, j’insisterai encore sur le fait qu’avec le nom qu’elle porte et avec le but essentiel vers lequel ses textes la dirigent, la Milice “de Jésus-Christ” ne peut pas orienter sa spiritualité, en premier lieu, autrement que sur le Verbe Éternel de Dieu, le Rédempteur du genre humain, Roi de l’Univers et Seigneur de tous les Peuples. C’est la raison aussi pour laquelle, à la dévotion séculaire du Saint Rosaire où elle invite ses membres à contempler les mystères de notre salut, la Milice a ajouté, depuis 1966, l’attachement à la prière à «Jésus-Christ, Fils du Père», à qui l’on demande directement l’effusion de l’Esprit-Saint en ces “derniers” temps et en se plaçant discrètement sous la médiation de Celle qui est Sa Mère et à la fois Sa généreuse Collaboratrice, comme disait Pie XII et qui est aussi la Mère de tous les Peuples comme aime à le dire notre Saint Père le Pape.

Cette prière contemporaine, approuvée et indulgenciée par nos deux Assistants ecclésiastiques internationaux successifs, en 1970 et en 1978, nous aimons la prier et la chanter, chez nous, comme si elle était devenue notre hymne. C’était un peu naturel puisque cette prière, revêtue de plus de cent cinquante imprimatur avait été communiquée par l’une de nos soeurs.

Je tenais à préciser cela un jour: cela fait partie de ce qui, avec l’histoire, la tradition, nos saints, nos textes, nos symboles, constitue notre spiritualité.

Ah ! oui, vraiment qu’en cela comme en toutes choses, Dieu et la Reine du Très Saint Rosaire soient glorifiés !

À jamais!

DISCOURS prononcé à la Pentecôte, le 22 mai 1983 au CHAPITRE GÉNÉRAL en BELGIQUE

Loué soit Jésus-Christ!

Monseigneur (S. Exc. Mgr Himmer, ancien évêque de Tournai),

Nous sommes toujours très heureux, depuis notre réforme de 1959, lorsque notre Chapitre est présidé par un successeur des apôtres. L’Évêque est le gardien de l’orthodoxie, sa présence est rassurante pour tous, pour nos invités, pour ceux qui nous étudient et pour nous aussi qui voyons là une nouvelle marque de l’intérêt que nous porte l’Église.

Que votre Excellence soit donc remerciée. Notre Province belge sait que lorsqu’elle a besoin de conseils, elle peut s’adresser à Elle, j’en suis personnellement très reconnaissant. Puisse le Responsable provincial et ceux qui l’ont aidé à préparer ce Chapitre se sentir récompensés de leurs efforts par la participation, à notre fête, d’un tel Assistant ecclésiastique.

Frères et Soeurs,

En cette Pentecôte d’Année Sainte de la Rédemption, nous avons répondu à la fraternelle invitation de nos Frères belges et nous sommes venus tenir notre 45e Chapitre Général en ce pays où la Généreuse Collaboratrice du Rédempteur a daigné se manifester il y a un demi-siècle.

Aussi, en prologue à ce discours qui sera ultérieurement envoyé partout où notre sainte et noble Milice est implantée, je veux, au nom de tous nos Frères et Soeurs, présents ou représentés, saluer Celle que l’on appelle ici «la Mère de Dieu», «la Reine des Cieux», «la Vierge au Coeur d’or», «Vierge des Pauvres», dans le souvenir de la visite que j’ai faite de ces contrées en 1934, dans le souvenir d’investitures que j’ai conférées au cours d’un Chapitre provincial tenu là en 1978.

En 1934, j’étais adolescent mais je me souviens très bien que, déjà «à cheval sur les principes» (comme l’on dit familièrement), je m’étais enquis de l’opinion de l’Ordinaire du lieu quant aux «prétendues» apparitions et l’on m’avait assuré des sentiments des autorités diocésaines. Elles avaient fait leur devoir et les enquêtes se déroulaient dans le zèle, la discrétion et la régularité. On n’a pas eu peur des libres-penseurs, on n’a pas craint de passer pour niais aux yeux d’amis intellectuels, on a tenu son rôle d’évêque et après une assez longue et fructueuse étude la reconnaissance des faits est venue couronner la courageuse espérance.

À Beauraing et à Banneux, la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu s’est donc bien manifestée : que notre pauvre présence en ces lieux soit agréée par Elle comme un hommage profondément respectueux, filial et reconnaissant.

LA CHEVALERIE EST UNE SPIRITUALITÉ

Après avoir rappelé que nous terminerons en Chapitre nos travaux sur le Sacrement de Pénitence afin d’en communiquer les conclusions à notre cher Président le Cardinal Opilio Rossi qui nous les a demandées, je vais soutenir devant vous une thèse qui m’est chère, elle s’oppose à une autre qui est celle de chancelleries et de journalistes. Aussi, non seulement je me sais libre d’exprimer une opinion personnelle, mais encore je vais apporter des affirmations qu’il sera, me semble-t-il, difficile de réfuter.

Il s’agit de notre idéal de chevalerie spirituelle.

Dans le but louable de lutter contre la fausseté, avec le désir de ruiner les espérances de ceux qui détiennent d’anciens faux-ordres ou qui fondent fréquemment des chevaleries illusoires, des organismes officiels et des auteurs de livres ou articles ont légiféré ou imprimé, et il nous apparaît qu’ils ont oublié un aspect important de ce qu’ils appellent «la Chevalerie». Leur affirmation ne constitue aucunement une vérité définitive.

Si je comprends bien leur thèse, la chevalerie serait un fait historique dont l’époque est révolue et elle ne subsisterait, de nos jours, que dans l’Ordre Souverain de Malte, par exemple, et dans les Ordres de mérite ou de décoration, elle serait donc exclusivement réservée aux personnes munies d’un brevet d’un chef d’État ou de son délégué : le «Mérite postal», pour citer par hasard une honorable décoration française, fait selon leur opinion, de vrais chevaliers.

Ceci étant exposé, en dehors de tout esprit de critique et surtout de polémique, et avec le respect que je dois aux autorités légitimes d’une part et que je dois aussi à l’expression d’opinions de journalistes de la grande presse, que je crois fort honnêtes d’autre part, je vais à mon tour communiquer mon sentiment et mon intime conviction.

 Le fait qu’il y a cinquante ans que j ‘étudie cette question compte pour peu. Le fait que j ‘ai pu être le disciple de maîtres disparus dans la première moitié de ce siècle et dont certains ouvrages ont fait autorité ne sera pas non plus utilisé.

Ce que je veux ici démontrer, à l’aide de textes, c’est que «LA CHEVALERIE EST AVANT TOUT UNE SPIRITUALITÉ», même si des escrocs se sont, par ailleurs, servi de son nom. Des crimes n’ont-ils pas été commis au nom des choses sacrées ?

Et sur ce plan, je ne reconnais ni aux chancelleries, ni aux journalistes, la même compétence que celle de l’Église.

Avec eux, je déplore ce qu’ils condamnent, c’est-à-dire l’usurpation, l’utilisation du faux, le port illégal d’insignes et je vais même plus loin puisque je trouve inutiles les uniformes, les chapeaux à plumes encore maintenus par certains protocoles, alors que le Saint-Siège les a supprimés pour les fonctions des cérémonies pontificales.

L’Église, par la voix de papes, de cardinaux, d’évêques et de prêtres cultivés, va m’aider à prouver maintenant que la spiritualité chevaleresque peut être utilisée légitimement sans artifices, comme méthode de sanctification et d’apostolat et peut même surnaturellement être vécue comme moyen de perfectionnement.

N’est-ce pas pour répondre à cette vocation – vocation saine et peut-être sainte – que se sont créés spontanément, sans prétention d’ancienneté, en ce siècle même, des mouvements que les évêques locaux ont adoptés ? Seuls, le désir de servir l’Église et la vénération de la Vierge Marie ne sont-ils pas à l’origine des «Chevaliers de l’Immaculée» en Pologne et des «Chevaliers de Notre Dame» en France ? Je cite ceux-là, dans l’ordre chronologique de leur existence, parce que je les connais et les estime, sachant bien cependant qu’il y en a eu d’autres, qu’ils aient duré ou non. Je les indique aussi avec la connaissance qu’un sur deux possède la chevalerie d’état, l’autre s’étant limité à la chevalerie d’esprit.

La première citation que je ferai réveille toujours en moi un souvenir ému puisqu’elle émane de Pie XII-le Grand s’adressant, le 16 janvier 1940, en pleine guerre mondiale, à quelqu’un qui a été très bienveillant pour moi, qui a bien voulu me recevoir plusieurs fois à Rome et duquel je garde des lettres manuscrites où il s’intitulait «votre vieux Grand Maître», je veux dire Son Altesse le Prince Chigi Albani della Rovere.

Je cite cela parce que le Pape qui répond à une harangue que vient de lui faire le Grand Maître de l’Ordre Religieux et Militaire de Malte exprime, en quelques lignes, les qualités qu’il attribue à des chevaliers.

« Vous donc, chers Fils et Illustres Chevaliers de Jérusalem par votre origine, bons Samaritains par vocation, hospitaliers par destination, charitables par tradition collective et par dévotion personnelle, vous, antiques fondateurs des «auberges» pour les pèlerins et les voyageurs en péril, donnez un large et pieux asile dans vos prières, dans vos aumônes, dans vos soucis, aux millions d’êtres éprouvés par la misère, les désastres, par le fléau de la guerre.

Comme autrefois l’hôtelier de la parabole évangélique, vous pouvez être sûrs que la miséricorde divine vous restituera non pas exactement, mais au centuple, l’argent que vous aurez avancé, ce qui veut dire tout ce que vous aurez généreusement offert de prières, de sacrifices, de richesses, d’influence, d’efforts, pour le soulagement de l’humanité douloureuse… »

Mais dira-t-on peut-être: «Le Pape s’adresse à l’Ordre de Malte et personne ne nie que cet Ordre a conservé la spiritualité chevaleresque et qu’il en a le droit aussi séculaire qu’incontesté…». Je répondrai que cela prouve déjà que Pie XII croyait à cette chevalerie-là. S’il s’était adressé à de simples décorés eût-il parlé ainsi ?

J’ajouterai ensuite que ma prochaine citation sera non d’un Pape du passé mais du Souverain Pontife actuel qui s’est adressé, le 22 juillet 1982, à des personnes dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne tirent pas leur vertu d’un diplôme de chef d’état et qui font partie de l’Association catholique américaine connue sous le nom fameux des «Chevaliers de Colomb». Sa Sainteté, en effet, écrit ceci :

«…Ce n’est pas sans raison que l’on a pu dire que cette Association est une forme de l’Action catholique en Amérique: en plein accord avec l’esprit et la volonté de notre Mère l’Église, ses membres peuvent être considérés comme les vrais chevaliers de notre temps qui ont bien au-dessus d’une intention certainement pour bouclier la fraternité chrétienne, pour épée la vérité pour drapeau la paix qui naît du sacrifice. »

N’est-ce pas là encore montrer que la chevalerie fait revivre réellement aujourd’hui des qualités évoquant celles du passé?

Quant au Cardinal Casaroli «envoyé personnel de Sa totalement au service d’une noble et difficile cause. Sainteté» aux fêtes du Centenaire des mêmes «chevaliers» de Colomb, de vive voix, il a déclaré :

“Aujourd’hui, à part un petit nombre d’illustres exceptions (je pense en particulier au Souverain Ordre Militaire de Malte), les ordres de chevalerie se sont transformés en source de reconnaissance honorifique des mérites acquis, et d’encouragement à en acquérir toujours davantage. Dans votre Association au contraire, le nom sert à exprimer la volonté de tirer inspiration, sous une forme nouvelle, des anciens idéaux de la chevalerie.”

Et là aussi, en évoquant ces idéaux, citant les Ordres de décoration, le Secrétaire d’État, ce membre élevé d’une chancellerie prestigieuse remontant elle-même au XVIe siècle les appelant même «Ordres de chevalerie», ce qui est généreux pour certains ordres de mérite récents, rappelle aux chevaliers de Colomb ce que leur nom signifie :

“Selon son ancienne signification, le terme “chevalerie” a un contenu aussi simple qu’ambitieux. Il comporte quelque chose de belliqueux. Et surtout, voudrais-je dire, il y a en lui quelque chose de romantique, situé bien au-dessus d’une intention certainement digne de tout respect; d’une unité fraternelle, d’assistance et d’avantages réciproques.
Le terme “chevaleresque” a gardé quelque chose de cette sublime signification qu’il avait autrefois.
Le chevalier était un homme qui entendait se mettre totalement au service d’une noble et difficile cause. Combattre le mal, promouvoir le bien, défendre le faible et l’opprimé contre l’injustice, mettre un frein à l’arrogance du plus fort. Courage, abnégation et générosité. Savoir se sacrifier jusqu’à l’héroïsme, jusqu’à la mort s’il le faut. Voilà le portrait – le portrait idéal disons-le – du chevalier selon l’acception originelle du terme.
Ce n’est pas sans raison que le martyr Saint Georges, qui foudroya le dragon pour protéger une jeune fille sans défense, était le modèle du Chevalier et qu’il l’est encore.
Au temps jadis, devenir “chevalier” ne consistait pas seulement à recevoir un titre d’honneur, si mérité soit-il. Cela exigeait une vocation et un attrait ; une préparation et une épreuve ; c’était une conquête, supposant un solennel engagement ; le tout était couronné au cours d’un cérémonial austère, quasi religieux.
Devenir “chevalier” signifiait assumer une mission devant Dieu et devant les hommes…”

Notons enfin qu’en terminant son discours, le Cardinal Casaroli appellera ces hommes généreux qui, à nos yeux à nous, sont des chevaliers d’esprit et non des chevaliers d’état : «Chevaliers de l’Église, chevaliers des plus nobles causes de l’humanité.»

EN CHEVALERIE AVEC SAINT DOMINIQUE

Après le Secrétaire d’État du Saint-Siège, écoutez un Chef de Dicastère, c’est-à-dire quelqu’un qui a les pouvoirs du Vicaire de Jésus-Christ dans le domaine qui lui est délégué. Il s’agit du Cardinal Opilio Rossi, du Conseil Pontifical pour les Laïcs. Le 21 novembre 1981, il a fait deux actes : il a signé un Décret Apostolique et il a confirmé des Statuts. Il s’agit, bien sûr, de ceux nous concernant.
Il avait conservé deux ans les Constitutions de la Milice, il les avait étudiées et les avait fait étudier soigneusement par ses spécialistes. Par la correspondance, il s’est bien fait renseigner sur sa spiritualité.
Le premier paragraphe du Décret,on peut le dire, louangeur : le Cardinal évoque les “siècles passés” de la Milice puis…

“Elle n’a pas cessé, dit-il, y compris dans les périodes les plus récentes, de remplir sa mission bénéfique, même si elle a abandonnés ses activités d’Ordre chevaleresque et s’est adaptée aux conditions actuelles de l’apostolat…”

L’Éminent prélat sait que, depuis bien des années, nous avons renoncé aux activités extérieures d’un Ordre et nous nous réjouissons qu’il le souligne et son témoignage sera satisfaisant aux yeux des chancelleries mais, dans deux paragraphes suivants, là où il lui convient de définir exactement la spécificité de l’Institution en cause, il n’hésite pas à décider que notre objectif consiste à vivre les Conseils évangéliques, selon notre propre état: “dans un esprit chevaleresque rénové“. Nous avons donc bien gardé notre identité.
C’est là, me semble-t-il, le point culminant de ma soutenance de ce jour. Ainsi donc, pour le Cardinal-Président du Laïcat catholique, il existe un esprit chevaleresque et cet esprit rénové subsistera dans la Milice de
Jésus-Christ, de droit pontifical, malgré son renoncement aux activités d’Ordre et “‘adaptation de ses finalités aux directives conciliaires”.
Est-il besoin de poursuivre ?
Je pourrais, en effet, m’arrêter là : j’ai prouvé que le Saint-Siège admet que des laïcs et des clercs puissent, selon notre article 5, vivre les Conseils évangéliques selon leur état, dans la spiritualité qui reste la nôtre.
Donc la Chevalerie n’est pas seulement un fait historique périmé, puis Ie rassemblement, dans des chancelleries, des décorés des chefs d’État.
Cela dit, approfondissons encore notre examen : vous savez tous ici qu’il y aura quarante ans, le 25 juillet prochain, que j’ai reçu la «Benedictio novi Militis» des mains d’un Pontife comme le requérait le pontifical romain et vous savez également qu’après mon élection, approuvée par l’ordonnance de S. Exc. Mgr l’Archevêque de Sens du 24 septembre 1963, j’ai reçu I’imposition des mains lors de ma bénédiction et de mon intronisation dans l’église Saint Pierre de Sens, le 13 octobre 1963 , il y aura vingt ans dans quelques mois.
Cause efficiente de l’action de la Milice de Jésus-Christ à l’heure actuelle, j’ai apporté cette filiation à notre Rituel. Si donc la «Benedictio novi Militis» a été, comme le sacre des Rois, enlevée depuis peu du Pontifical romain, il nous est toujours permis de vénérer dans notre Investiture la transmission du sacramental.
Sacramental que la présence du prêtre bénissant renforce encore. Souvent, chez nous, c’est un Évêque, un successeur des Apôtres, qui est témoin.
Notre Rituel envoie “le bon chevalier du Christ” en Mission. Quelle Mission ? … la Propagation et la Défense de la Vérité, de la Justice et de la Charité. Et c’est même sa cause finale, selon le principe des causalités métaphysiques.
Et cela, c’est la spécificité : c’est la Milice de Jésus-Christ. C’est là le résumé de tous nos documents.
Notre manteau quant à lui est un vêtement autorisé par l’Église ; le Rituel de sa remise symbolise l’entrée dans une fraternité et indique le changement de vie.
Le port de notre croix est un rappel constant de la Rédemption par la Croix, un rappel aussi, par ses émaux, de la Vérité et de la Pénitence. Celui qui, la sollicitant, la reçoit, ne peut plus la quitter sans faillir aux yeux d’un homme d’honneur.
Nul n’est autorisé dans l’Église à porter vêtement ou insigne non approuvé. Nous sommes parfaitement en règle, non seulement sur le territoire d’un diocèse, mais dans la catholicité entière, ce qui n’est pas le cas des «Ordres» illusoires.
Il est à remarquer encore que notre spiritualité chevaleresque ne pourrait pas s’accorder avec toutes les spiritualités religieuses. Dès l’origine, cette union avec la spiritualité dominicaine est parfaite. On va le voir.

«L’assomption de la nature par la grâce» (résumé de l’esprit de Saint Dominique et de ses disciples) signifie que, au lieu de lutter contre sa nature, le fils ou la fille de Saint Dominique est «invité à travailler au plein développement de sa nature avec I’aide de la grâce».

En effet, la nature la mieux douée et la plus géniale n’est absolument rien en comparaison de la vie surnaturelle.
L’harmonie qui existe chez nous entre elles nous mène à la contemplation puis à la vie apostolique, selon les termes de Saint Thomas.
N’est-ce pas là encore notre Mission ?
Améliorer ses dons sous la grâce, avec la réciprocité des causes, puis «contempler et transmettre aux autres le fruit de sa contemplation ? N’est-ce pas là l’idéal du Chevalier du Christ ? Il vit cela dans l’annuel cycle liturgique, «dogme vivant, parlant au coeur comme à l’intelligence».

Nous reviendrons un jour plus longuement sur la réalité de notre spiritualité dominicaine qui ne fait pas l’objet de mon discours actuel.
Il y a quelques années, un moine bénédictin que je connais depuis 1945, Dom Gérard Lafond – et j’estime qu’il possède le sujet, l’ayant toujours travaillé depuis ce temps-là – a publié des «Principes pour une Charte de Chevalerie». C’est une thèse. Pour la combattre loyalement, il faudrait une compétence égale à celle de Dom Lafond. Peu de personnes ont atteint cette compétence de nos jours, depuis la disparition de Mgr Michel Even et du Comte Thierry de Pierredon qui, eux, demeurent inégalés.
Personnellement, je trouve dans cette plaquette une si bonne définition de la Chevalerie que je vais vous la donner. Ce n’est pas celle des chancelleries bien sûr :

«La Chevalerie est une institution à caractère originairement militaire et religieux dont la fin est “d’élargir ici-bas les frontières du Royaume de Dieu” (Léon Gautier) par le service de la défense des faibles, de la justice et de la paix. Elle vise à établir la Cité temporelle sur les fondements de l’Ordre naturel et des principes de l’Évangile, dans le respect des libertés essentielles de l’homme et des communautés humaines…»

Si le mot “militaire”, de l’origine, vous gêne, n’utilisez pas le mot “chevalier”. Personne ne vous y oblige. Bien avant la définition de la «Charte», nos Règles exprimaient cela mais d’une autre manière, et nos Directoires d’aujourd’hui permettent que nous vivions avec une finalité bien spécifique. Ils ne sont pas, eux, approuvés par le Saint Siège comme les Constitutions, ils ne dépendent que de notre Conseil, bien sûr, mais constituent notre Coutumier. Et nous y tenons beaucoup.

Deux Archevêques de Sens, N.N. S.S. Lamy et Stourm, dans leurs ordonnances et le Père Bruno Pin, du diocèse de Beyrouth, dans de nombreux articles, nous ont confirmé encore dans nos convictions. Les numéros 67 et 68 de notre revue Militia Christi ont publié “Esto Miles”, l’étude où ce dernier nous a transmis ses “Éléments pour une spiritualité de la Chevalerie”. Un livret, sous l’imprimatur de Mgr Ernoult, Archevêque actuel de Sens, intitulé “La communion chevaleresque” la résume.

Tout cela sera repris ultérieurement et constituera, nous l’espérons, un ouvrage complet qui sera utile aux membres pour vivre mieux eux-mêmes et pour se livrer à un bon et nécessaire recrutement.

POUR UN SAIN RECRUTEMENT

Car il apparaît certain qu’un vaste effort de recrutement s’impose aujourd’hui pour être à même de répondre à la confiance et à la mission que l’Église donne à notre Compagnie militante.
Si une certaine prudence avait pu parfois être recommandée, notre statut pontifical nous pousse à nous affirmer plus librement et plus efficacement.
Le recrutement devient l’un des objectifs majeurs et prioritaires de l’action personnelle et communautaire ; il est devenu la conséquence logique de la Reconnaissance Pontificale et notre réponse à celle-ci.
Il faut donc que chaque membre et chaque responsable, que chaque Maison et province aient à coeur un sage développement de la Milice de Jésus-Christ.
Cependant, on peut dégager quelques règles utiles que l’expérience passée et l’espérance présente permettent de mettre en valeur.
Nous sommes des militants chrétiens pratiquant un apostolat social et spirituel inspiré par une spiritualité chevaleresque et dominicaine. Cela délimite donc notre champ de recrutement, car la vocation militante – donc apostolique telle que nous la pratiquons – n’est pas présente en toute personne.
Il y a aussi des cas qui ne correspondent pas à notre esprit, il faut alors éviter de recruter :

  • Les nostalgiques d’une Chevalerie mythique, décorative ou de titulature honorifique.
  • Les personnes engagées dans un Traditionnalisme figé, réticent et surtout en désaccord avec l’Église. La Milice n’est pas un refuge distingué pour ceux qui ne peuvent pas s’engager fidèlement et loyalement dans l’Église et avec elle.
  • Les personnes par trop sensibles à des dévotions mal éclairées et peu aptes à des engagements militants et orants.
  • Ceux qui ne verraient dans la Milice qu’une institution de nature socio-politique de tendance particulière à utiliser selon leurs propres fins.

Il y a donc lieu d’opérer un recrutement sélectif selon les règles définies par nos Constitutions mais aussi avec un sage discernement.
Le critère fondamental du choix et d’une approche d’un candidat étant de vérifier si, à travers ses comportements d’homme et de chrétien, et dans ses aspirations, on sent une âme de Militant de Jésus-Christ, sa formation progressive dans la Milice l’affermissant dans cette vocation et la faisant se réaliser.
Aucune classe sociale, culturelle et professionnelle n’est sélectionnée aux dépens d’une autre. Chaque milieu, chaque nation constitue en soi un foyer de vocations.
La Milice est ouverte à tous les Laïcs catholiques, militants d’âme et de foi, attirés par sa mission militante et sa spiritualité.
Parmi nous, dans l’Église, bien des chrétiens militent déjà, seuls ou en groupes, accomplissant des engagements spirituels, marials, apostoliques. Certains cherchent une armature spirituelle et un cadre ecclésial qui respectent aussi leurs initiatives tout en les fortifiant et les intégrant dans un esprit. C’est aussi à ceux-là que la Milice doit se présenter. Son rôle sera alors de les former.
C’est du stage de formation que dépendra ensuite l’engagement définitif du sujet, nul ne devant “être admis à la croix” s’il ne correspond aux conditions de promotion de nos Directoires n° 2 et 3 que les précepteurs, parrains et pairs devront toujours avoir en mémoire.
Les Provinces occidentales et du Nouveau-Monde auront aussi à coeur le souci missionnaire de rechercher et de rencontrer parmi les chrétiens étrangers, étudiants, stagiaires, ceux qui appartiennent à des nations où la Milice s’implante, et ceux par qui la Milice peut s’implanter. Les recruteurs devront être bien imprégnés de tout ce qui précède.
Que les Frères et les Soeurs se livrent donc à ce sain recrutement masculin afin que par de nombreux adeptes notre spiritualité se répande et, par elle, le Règne de Jésus-Christ. Il sera humain, bien sûr, ce recrutement puisque cela résulte de notre nature. Et il pourra même utiliser les moyens modernes mais par la prière attirant la grâce, il deviendra surnaturel, par conséquent agréable à Dieu.
Quant aux critiques qu’éventuellement vous pourriez entendre, permettez-moi de vous donner une consigne : ne retenez et ne retransmettez à vos supérieurs que celles qui proviendraient de personnes réputées de bon jugement et vertueuses, de personnes dont les fonctions ou les oeuvres seraient reconnues par le Saint Siège ou leur évêque diocésain. Le reste doit vous paraître suspect. C’est un principe, ceux qui ne sont pas en règle attaquent toujours les autres, et pas souvent à juste titre… Et dans le temps cela ne compte pas.

EN CONCLUSION

J’achèverai en parlant du Roi de la Milice, de Sainte Catherine de Sienne, notre Patronne, et de Saint Pierre de Vérone Martyr qui, (avec son Père Saint Dominique) est notre Patron.

Je vais citer un passage des “Dialogues” :

«Regarde Pierre, vierge et Martyr, (dit le Seigneur à la Sainte), tant qu’il respira, il ne fit autre chose que prier, prêcher, disputer avec les hérétiques. Je lui avais annoncé sa mort mais, en vrai chevalier, il ne connut pas la peur et s’élança sur le champ de bataille”.

N’avons-nous pas là un beau modèle ? C’est un saint, un martyr, un consacré, un chevalier d’esprit. Un vrai, dit le Seigneur…
Et je termine.
Le «saint» Archevêque de Sens, Mgr Frédéric Lamy, avait en quelques mots en 1961, dans une Ordonnance nous concernant, montré comment il voyait les membres de la Milice de Jésus-Christ. Ces lignes constituent la fin du premier paragraphe du Préambule de notre actuelle Constitution. Vous reconnaissez-vous, Frères et Soeurs, sujets de ces quelques qualificatifs? Si oui, remerciez-en le Seigneur! Si non, demandez-Lui, par sa grâce, de vous aider à améliorer votre nature.
Il s’agirait, d’après ce bienfaiteur:

” …de pieuses personnes, éprises des idéaux de foi, d’honneur, de courage, de charité, de dévouement et de fidélité au Saint-Siège apostolique, c’est-à-dire dans un esprit d’ authentique chevalerie chrétienne”.

Et qu’en cela comme en toutes choses, Dieu et la Reine du Très Saint Rosaire soient glorifiés ! A jamais!

DISCOURS DE LA PENTECOTE, 18 mai 1986 L'EXERCICE DES VOEUX dans la MILICE DE JESUS-CHRIST

Frères et Soeurs,

Dans mon discours de Pentecôte à Banneux en 1983, et dans celui du Rosaire à Sens en 1984, j’ai parlé de notre spiritualité qui est chevaleresque et “dominicaine”. C’était pour TOUS les Frères et Soeurs d’aujourd’hui et – si Dieu le veut – de demain. Je vais maintenant indiquer à ceux, parmi eux, qui s’y sentent appelés -clercs ou laïcs – comment ils pourraient unir à cette forme d’esprit, une «tendance à la perfection».

Oui, notre Milice ne s’est pas seulement «adaptée aux conditions actuelles de l’apostolat dans lesquelles les laïcs promeuvent la formation spirituelle au moyen d’une vie associative» comme l’a dit pour nous, le 21 novembre 1981, Son Eminence le Cardinal Opilio Rossi, elle offre aux fidèles – et dans leur condition séculière – une possibilité de vie plus consacrée au Seigneur.

Je ferai d’autant plus volontiers cette étude et je donnerai ces conseils avec d’autant plus de coeur que, d’accord avec notre Conseil, j’ai pris la résolution d’assurer moi-même, à titre provisoire, les fonctions de
Directeur du Département de dévotion mariale et de vie spirituelle, au poste devenu libre depuis la démission de son titulaire qui les exerçait depuis de nombreuses années et qui m’avait demandé depuis 1980 de le relever de cette charge. Qu’il veuille bien trouver ici l’expression
de ma gratitude. Les anciens se souviennent de l’apostolat chaleureux de celui qui, de 1960 à son départ de France, a tant donné de conférences, écrit pour MILITIA CHRISTI, réuni et formé de nombreux jeunes. Bien que l’article 12 de nos Constitutions approuvées et que nos Directoires aient précisé que ce deuxième de “nos départements d’action” était “Département des oeuvres de dévotion mariale et de vie spirituelle”,
il faut reconnaître que ce grand Directeur de Département, que l’on appelait “Commandeur du Rosaire» avant la réforme demandée par le Saint-Siège, en 1971,avait particulièrement orienté son action vers
“les oeuvres de dévotion mariale”. Pendant cet intérim, et donc dès aujourd’hui – puisque la décision en mon Conseil est récente – je m’orienterai vers l’autre aspect de la tendance: spiritualité. C’est pourquoi, après le discours de Banneux de 83 et celui de Sens de 84, arrive tout normalement celui sur l’exercice des voeux dans la Milice de Jésus-Christ.

Historique

Selon ma coutume, je fournirai d’abord la base historique l’ayant permis, puis j’indiquerai ce qui dans le droit général actuellement l’autorise, ce qui dans notre droit propre le conseille, c’est-à-dire dans le Décret Pontifical d’approbation, dans les Constitutions et dans les Directoires d’application.

Ce faisant – me semble-t-il je confirmerai dans leur vocation ceux qui, depuis 1964, ont embrassé cet état et j’appellerai, peut-être, certains autres à s’engager plus avant dans la voie des conseils évangéliques puisque la Divine Providence les a situés dans un mouvement où cela est possible canoniquement.

 1.- Quelles sont dont les origines de cette possibilité?

Les voici: Personnellement, je savais de longue date que la chevalerie, avant de devenir ce qu’elle est, a surtout été représentée par ce que l’on a appelé les «ordres religieux militaires». Je savais que ces ordres avaient été composés uniquement de membres ayant émis des voeux sacrés. Ainsi en était-il, à la grande époque, dans les ordres du Temple, de l’Hôpital, de Saint Lazare et de Sainte Marie Teutonique. Ainsi en est-il encore dans «l’Hôpital» appelé aujourd’hui Ordre de Malte où le Magistère est composé de chevaliers ayant émis les voeux publics. C’est d’ailleurs ce qui en fait pleinement «un ordre religieux».

Mgr Michel Even et Mgr Frédéric Lamy avaient en cela la même connaissance et le premier plus encore que le second – son condisciple du même cours au Séminaire St Sulpice – et ce sont eux qui, dans le temps, m’encouragèrent à une telle restauration dans la chevalerie spirituelle, là où ce serait possible.

Je l’ai déjà dit, le Recteur de Pontmain m’avait formé mais il mourut avant la Réforme contemporaine de la Milice et l’Archevêque de Sens, qui lui survécut longtemps, put devenir l’un des premiers de nos membres de Religion, le 6 juin 1965.

Mais n’anticipons pas.

L’idée avait germé un jour, le 8 décembre 1963, à Auxerre, et avec l’aide de Mgr Lamy, du Chanoine Humeau chancelier de Sens, du futur Cardinal Paul Philippe, alors Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux qui nous conseillèrent, elle connut son éclosion par une Ordonnance de Mgr René Stourm datée de la Fête de Saint Pierre de Vérone en 1964.

Ainsi, dans la Milice de Jésus-Christ, on put, dès ce moment, émettre des voeux, moins stricts bien sûr que dans les Ordres de jadis, mais au sens large, selon l’état, et pour des fidèles vivant absolument dans le siècle.

Je crois qu’il serait bon que je vous résume aussi comment, sur le plan général de l’Eglise, on en est arrivé à ce que soit reconnue cette possibilité pour des laïcs, d’émettre des voeux hors d’ordre, de congrégation ou de société à vie commune et comment, en étendant encore la chose on en arrive jusqu’à nous.

Jadis, cela était absolument impossible. Il fallait couvent, habitation, costume et c’est à un héros, à un prêtre réfractaire de la révolution française, qui souvent risqua sa vie dans le service de Dieu et le soin du prochain, le Père Pierre Joseph Picot de Clorivière, que l’on doit le premier essai de vie consacrée sans habit, sans vie commune; en 1790 – remarquez la date – il lança les «Prêtres du Coeur de Jésus», un peu plus tard, les «Filles du Coeur de Marie».

Sa belle oeuvre existe toujours: Mgr Gabriel Peltier, le saint prélat qui me donna la bénédiction magistrale et m’intronisa Grand Maître au nom de Mgr Stourm, alors au Concile, le 13 octobre 1963, était Doyen du Chapitre Cathédral de Sens, certes, mais prêtre du Coeur de Jésus.

Sous Napoléon III, le Chanoine Henri Chaumont avait, de son côté, fondé les «Filles», puis les «Fils», puis les «Prêtres de Saint François de Sales», société dont faisaient partie Mgr Even et Mgr Lamy.

Ces associations avaient été tolérées, et quelques autres encore, depuis Benoît XV, mais c’est à Pie XII que devait revenir le mérite d’autoriser la création d’associations de ce genre que l’on appelle «lnstituts séculiers» par la Constitution Apostolique “Provida Mater Ecclesia” du 2 février 1947, avant le 21 e Concile dit Ile du Vatican – par conséquent.

La Milice n’est pas un Institut séculier, mais c’est tout de même dans l’esprit de «Provida Mater Ecclesia» que nos Constitutions approuvées autorisent chez nous les membres voués. Les mots «dans l’esprit de la Constitution Apostolique Provida Mater Ecclesia» figurent dans l’Ordonnance de Mgr Stourm de 1964, c’est pourquoi j’ai résumé pour vous l’origine de cet acte souverain de Pie XII le Grand.

Droit canonique

2 -Mais cela, c’est du passé. Que dit le Code de Droit canonique 1983? Je vais pouvoir vous satisfaire tout de suite.

 Le Canon 1191 s’exprime ainsi:

  1. Le voeu, c’est-à-dire la promesse délibérée et libre faite à Dieu d’un bien possible et meilleur doit être accompli au titre de la vertu de religion.
  2. A moins qu’ils n’en soient empêchés par le droit, tous ceux qui ont un usage suffisant de la raison sont capables de faire un voeu…

 Et le Canon 1196 précise:

“Outre le Pontife romain, peuvent dispenser des voeux privés pour une juste cause l’Ordinaire du lieu et le curé à l’égard de tous leurs sujets ainsi que des étrangers”.

Droit particulier

Cela pour le droit général, voici maintenant notre droit particulier:

Les Constitutions approuvées par le Siège apostolique – qui donnent la personnalité juridique à notre mouvement – traitent des «membres voués» en leur article 8 et en leur article 9. L’article 14, stipulant que «les Directoires précisent et interprètent le contenu de ces Constitutions», nous nous reporterons maintenant à ces documents qui constituent notre loi en cette importante matière:

Pour sa part, le Décret pontifical qui «a érigé» la Militia Christi d’aujourd’hui confirme que l’objectif de «ses membres consiste à vivre les conseils évangéliques selon leur état propre». Cela veut dire que les uns et les autre, selon l’état dans lequel ils se situent, prennent ce qu’ils veulent de tous les conseils que l’on trouve dans la Sainte Ecriture, mais encore que ceux qui veulent aller plus loin prennent comme ligne de conduite ce que l’on appelle plus particulièrement «les Conseils Evangéliques». Pour ceux-là, continuons l’examen de nos textes.

Constitutions

Article 8: Les membres voués appelés aussi membres de religion, plus désireux encore que les autres de lutter dans l’esprit des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, contre les cupidités, les passions et l’orgueil, offrent leur vie à la Très Sainte Trinité, pour être consacrés d’une consécration nouvelle et particulière. Ils se mettent sous le patronage de la Reine du Très Saint Rosaire, du bienheureux patriarche Dominique, de saint Pierre de Vérone martyr et de sainte Catherine de Sienne, Docteur de l’Eglise, par un ou plusieurs voeux émis entre les mains du Maître Général ou de son délégué spécialement désigné.

Article 9: Ces voeux sont ceux de pauvreté selon l’état, de chasteté selon l’état, d’obéissance spéciale au pape régnant et de défense de la Très Sainte Vierge Marie. Ils sont d’abord annuels, puis définitifs après une durée minimum de cinq ans.

C’est déjà très clair, mais complétons par des commentaires tirés de notre nouveau Directoire n°4:

On peut, en effet, légitimement borner ses aspirations et se maintenir dans l’état de dévotion; cependant les membres engagés qui le désirent peuvent faire un don total de leur personne à Dieu, après un entretien personnel avec leur conseiller spirituel et le Maître Général, ou son délégué, et être autorisés à émettre un ou plusieurs vœux à Dieu, entre les mains du Maître Général, ou celles de son délégué spécialement désigné, Canons 1191-1198.

La durée de ces vœux est d’un an, renouvelable chaque année pendant au moins une période de cinq ans, puis définitive ensuite si on le désire.

L’EXERCICE DE NOS VOEUX

Par pauvreté selon l’état, on entend dans la Milice de Jésus-Christ faire régir l’exercice des biens temporels dans sa sphère d’action privée par un esprit de détachement, de simplicité, d’humilité qui pousse à ne se servir que d’un minimum, d’un nécessaire conciliable avec les exigences de la santé et de la dignité de son état.

A propos de cette estimation, tout cas douteux pourra utilement être soumis au guide spirituel qui éclairera. La pauvreté selon l’état intensifiera aussi l’intégrité de l’honnêteté dans le maniement de l’argent, ce signe artificiel d’échange qui rend la vie plus commode, mais qui tourmente les envieux comme les possesseurs avides.

Le voeu de chasteté selon l’état oblige à vivre chastement dans son état présent ou futur; les personnes non mariées étant tenues à la chasteté propre au célibat, les personnes mariées, à la chasteté conjugale, selon les lois de l’Eglise, comme du reste tous les époux chrétiens, et les personnes veuves, à la chasteté du veuvage tant qu’elles ne convolent pas en de nouvelles noces, tous étant tenus à une délicatesse de pensée et de propos.

L’obéissance spéciale au Pape régnant implique:

a – un effort en vue de connaître la doctrine et les actes officiels du Vicaire de Jésus-Christ, se concrétisant au moins annuellement par l’étude attentive de l’acte le plus important du Pontife Romain; b – la préoccupation de les appliquer dans les domaines qu’ils définissent et selon l’état des personnes auxquelles ils s’adressent;

c – une parfaite soumission à la volonté manifestée par le Pontife Romain, soit d’une manière directe, soit d’une manière générale selon le paragraphe précédent.

 

Le vœu de défense de la Bienheureuse Vierge Marie comporte l’obligation d’une dévotion mariale plus intense et l’étude plus étendue de la doctrine mariale authentique, afin de pouvoir réfuter les erreurs que l’on entendrait directement sur la Mère de Dieu, Elle-même.

Et ici, il me faut préciser ce qui m’a été demandé tout particulièrement par Son Eminence le Cardinal Président de notre Conseil Pontifical pour les Laïcs, c’est-à dire le Pontife qui a reçu du Pape le soin des laïcs que nous sommes: ce que l’on appelle doctrine mariale authentique, c’est celle définie par l’autorité enseignante et juridictionnelle de l’Eglise, autrement dit, celle des Constitutions Apostoliques, en particulier le 8e Chapitre de la Constitution dogmatique sur l’Eglise «Lumen Gentium», «Marialis cultus» et les actes récents du Saint-Père Jean Paul II.

C’est donc cela qu’est tenu de défendre celui qui a fait le voeu autorisé par notre Décret pontifical et non telle ou telle apparition ou telle ou telle dévotion privée.

 

Rappelons-nous que si les apparitions reconnues ne constituent pas un article de foi, à plus forte raison le voeu de défense de la Bienheureuse Vierge Marie n’engage-t-il le membre voué qu’au respect de la mariologie authentique approuvée, c’est-à-dire à la Très Sainte Vierge Marie Elle-même et à ses privilèges, artiCles de foi comme la Maternié divine, l’Immaculée Conception, l’Assomption…. Ce sont ces articles de foi qui constituent la matière du voeu. Et ce sont eux que l’on doit défendre, par conséquent.

 

Le membre voué s’engage en outre:

a – soit à l’assistance quotidienne de la messe, soit un quart d’heure d’oraison ou de méditation, soit à une demi-heure de lecture spirituelle ou le tout, selon les possibilités de l’état professionnel ou familial, ou de santé physique ou morale actuelle;

b – à la récitation quotidienne du chapelet ou hebdomadaire du rosaire;

c – à l’approche régulière du sacrement de pénitence et à la pratique fidèle de la retraite spirituelle d’au moins trois jours annuellement, autant que possible, et selon la méthode de son choix:

d – à l’observance en plus de celles demandées par l’Eglise, d’une abstinence, ou d’un jeûne, la veille des fêtes du Christ-Roi (dernier dimanche précédent l’Avent), du Rosaire (7 octobre), et de la Visitation (31 mai) ou de quelque autre forme de pénitence sérieuse.

Par ailleurs, bien que ce ne soit pas pour autant une obligation de leur état, les membres recherchent dès que possible les conseils d’un prêtre prudent et éclairé, qu’ils doivent consulter comme directeur de conscience ou guide spirituel.

THEOLOGIE DES VOEUX

3 – Venons-en ensemble à l’étude de ce que l’on appelle «la théologie des voeux»; le voeu en général et les voeux dans la Milice de Jésus-Christ. Pourquoi émettre un voeu? Pourquoi l’émettre ou les émettre chez nous, nous qui sommes de purs fidèles? A ces différentes questions, je répondrai globalement, sans ordre,

 Nous l’avons vu, il faut l’usage complet de la liberté et une délibération pour que le sujet promette à Dieu un bien possible et meilleur. Et l’acte est accompli «en vue d’honorer Dieu».

Par le voeu, et particulièrement celui qui a rapport à un conseil évangélique, on désire offrir -la privation de quelque chose. C’est donc un sacrifice que l’on offre en immolation dans le but d’augmenter l’unité de vie entre Jésus-Christ et soi.

C’est par la Foi que nous offrons cet holocauste et c’est dans la Charité – c’est-à-dire l’amour que nous portons à Dieu – que ce sacrifice prend de la valeur. Ce sont les dispositions intérieures qui comptent et non l’offrande matérielle en elle-même.

Les théologiens ont exprimé en latin la différence qui existe entre l’efficacité des sacrements institués par Jésus-Christ et la valeur des rites religieux opérés par les chrétiens. Ils déclarent que ces derniers agissent «ex opere operantis», ce qui veut dire: «ex opere» en raison de l’action et «operantis» de l’homme qui agit en ayant recours à ces rites. C’est dans cet ordre qu’il faut envisager le voeu.

A l’origine, le sujet doit donc, avec son guide spirituel, voir de quel bien possible et meilleur il s’agit: ce sont nos Constitutions et Directoires qui lui indiquent en quoi consiste au juste l’engagement individuel dans l’état de célibat ou de mariage, dans la sécularité où il se trouve.

Dans l’institut religieux c’est, si l’on peut dire, «plus simple». Le sujet donne sa vie pleinement à Dieu, certes, mais à l’Eglise aussi et il contribue, 24 heures sur 24, à l’activité de son institut. Sa vie est consacrée de droit au Christ car son institut a canoniquement été érigé par l’Eglise, prônant ou annonçant le Royaume de Dieu et faisant du bien parmi les hommes! C’est au sens srict qu’il émet les voeux: il ne possède rien par luimême, il observe la chasteté parfaite et il doit l’obéissance «aux supérieurs légitimes» et non pas «seulement à Dieu» comme certains le voudraient et qui se résumerait souvent — tant la nature humaine se leurre facilement — à l’exercice de sa volonté propre que l’on imaginerait être celle de Dieu.

Cet exposé rapide montre, fait comprendre, pourquoi l’on emploie l’expression «état de perfection», car si le sujet pratique au mieux, dans son institut, les trois conseils évangéliques, la grâce aidant, sa charité assurera son salut.

Le simple fidèle, bien sûr, peut aussi «faire son salut» et la Milice de Jésus-Christ doit l’y aider; mais justement, s’il adopte l’état de nos voués, son «perfectionnement» devrait être facilité.

Ce qu’il ne doit surtout pas faire, c’est « jouer au religieux ». Il n’est pas soumis à l’obéissance stricte, il peut ne pas vivre dans le célibat, il dispose de ses biens même s’il le fait avec détachement. Il reste bien un fidèle selon le droit dans un statut «possible et meilleur».

«Le voeu dit saint Augustin – est l’heureuse nécessité qui oblige à ce qu’il y a de mieux».

Reprenons nos Constitutions: on ne les revoit jamais assez. Elles sont très claires à ce sujet. Il y est dit (article 8): …dans l’esprit des conseils évangéliques… ils offrent leur vie à la Très Sainte Trinité pour être consacrés d’une consécration nouvelle et particulière (allusion au baptême qui leur a donné «la grâce» et à cet engagement nouveau dont le fruit sera l’augmentation de cette «grâce»).

La vie du sujet sera donc plus évangélique dans «l’esprit des trois voeux» avec l’adoption d’au moins un des voeux proposés – et pourquoi pas les quatre s’il est généreux – puisqu’il souhaite son perfectionnement

Mais attention, il lui a bien été dit par le Droit qu’il doit s’agir d’un « bien possible». C’est là que l’avis du guide spirituel sera nécessaire, il ne peut prendre l’engagement que l’expérience permet de croire «possible».

Je me souviens que le Cardinal Philippe, alors Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux, m’avait dit en 1964: «Dans l’esprit de l’Eglise, dans l’acte du voeu il doit y avoir la volonté que ce soit définitif. Rien, en cette matière, ne doit être fait l’essai». A plus forte raison, bien que le Canon 1196 le prévoie «pour une juste cause», on ne doit pas songer à la dispense possible quand on l’émet définitivement.

Saint Grégoire nous dit très justement: «Si entre hommes de bonne foi on n’admet pas que les contrats soient rompus pour un motif quelconque, à plus forte raison un engagement pris devant Dieu ne saurait être résilié… »

Par ailleurs, celui qui se dirige vers l’exercice des voeux ne doit pas se complaire dans l’appareil juridique d’une législation qui est, certes, nécessaire mais qui n’entre en rien dans l’objet voulu qui est l’amour de Dieu, c’est-à-dire la charité. En effet, observer une loi n’est rien, nous l’avons déjà vu, si l’Amour est absent.

Bien sûr, le Code a prévu des voeux solennels, publics, simples, privés, et il est utile, en Eglise, de suivre cette législation; mais ce n’est pas là-dessus que l’on sera jugé, ce sera sur le degré de la vertu théologale de Charité.

 

Saint Thomas nous le dit encore d’une autre manière:

 une oeuvre accomplie en exécution d’un voeu est plus méritoire, le voeu étant un acte de la vertu de religion, cette vertu ayant une certaine primauté sur les autres vertus; et puis l’engagement renforcé par un voeu dénote une volonté plus ferme de réaliser une bonne oeuvre…»

Dans un amour ascendant…

C’est cela qu’il faut bien comprendre: Dieu aime Sa créature. Vous imaginez-vous ce que peut être «l’amour» de Dieu? Donc Dieu nous aime et Il attend de nous une réponse d’amour. Nous nous donnons donc à Dieu – et, plus ou moins – le jour de la profession de nos voeux; cependant, au cours de la vie qui suivra l’émission des voeux, notre amour devra être ascendant.

On pourra objecter: «Mais Dieu, dans Son état de gloire, n’a pas besoin de nos sacrifices… »

Une fois de plus je reprendrai – car je m’en suis déjà servi – saint Paul aux Colossiens (1,26): «J’achève dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ pour Son corps qui est l’Eglise».

Et c’est ainsi que nous («collaborerons généreusement à la Rédemption», car nous sommes tous appelés à être de petits co-rédempteurs. Certes, la Mère de Dieu, seule exempte du péché originel, est la seule Corédemptrice de suréminente manière et son sacrifice Elle l’a accom pli en même temps que le Rédempteur sur le Calvaire, mais tous, nous qui avons été rachetés par le baptême, nous devons coopérer tant que l’Eglise aura des âmes à sauver.

C’est cela, Frères et Soeurs, le vrai sens des voeux; oui, vous chercherez ainsi à assurer votre salut personnel par votre perfectionnement, mais encore par les mortifications que votre état de voué vous impose, par la prière, par l’acceptation des peines quotidiennes.

C’est sur le Calvaire qu’a eu lieu, une fois pour toutes, la Rédemption dont les effets, depuis, s’accomplissent chaque jour pour le salut des hommes. C’est là que les Deux Coeurs unis du Divin Rédempteur et de Sa Mère Immaculée ont été transpercés par le même glaive. C’est là le point culminant de la Révélation et il n’y a pas à en chercher d’autre…

L’Eglise a été instituée par Jésus-Christ pour l’accomplissement de la Rédemption. C’est en son sein que nous vivons avec l’aide de notre Milice, rendons en grâce au Seigneur.

Oui, qu’en cela comme en toutes choses, avec notre Patronne la Vierge du Très Saint Rosaire, Corédemptrice, Médiatrice et Avocate, Il soit glorifié! A jamais!

PRECISION SUR L'EXPERIENCE CHEVALERESQUE

A la suite de mon discours de Beauraing, lors du Chapitre de Pentecôte 1983, des questions m’ont été posées et je répondrai ici en utilisant le vocabulaire qui est habituel aux disciples de Saint Thomas d’Aquin.

Ce langage étonnera ceux qui ne sont pas familiarisés avec celui de la métaphysique mais il me semble qu’il est bon qu’au moins une fois ces explications soient données ainsi:

1.- Oui, la chevalerie est analogiquement commune dans les différentes institutions qui se réclament d’elle.

E!le constitue une simple tendance dans tel cas – alors le chevalier n’est presque qu’une image – elle est réelle dans tel autre cas où l’investiture marque son objet d’un caractère profond.

Cela revient à dire que la présence intentionnelle de la chevalerie est à deux degrés spécifiquement différente: orientation d’esprit chez celui que nous avons déjà appelé un «chevalier d’esprit», engagement et envoi en mission chez le «chevalier d’état».

En effet, si l’on dit d’un homme «c’est un vrai chevalier» cela veut dire quelque chose; si l’on dit d’un autre «c’est un chevalier de tel ordre (de mérite)» cela en veut dire une autre. Mais si l’on dit «cet homme a reçu une investiture légitime», l’affirmation comporte un sens divergent des deux premiers.

Adopter une conduite chevaleresque et vivre d’une façon particulière parce que l’on a été l’objet d’une «ordination» chevaleresque procède d’une toute autre conception, on le comprend aisément, que de collectionner avec bonheur les brevets d’honorables et légitimes décorations.

Des thèses s’opposent ici qui nous prouvent bien que la notion de chevalerie n’est ni univoque ni équivoque mais analogue, et que là, elle se proportionne à des degrés divers.

2.- Il peut y avoir investiture laïque dans une institution, pourvu que l’autorité soit légitime (souverain, chef d’état, grand maître) ou qu’il y ait authentique filiation. La création spontanée ne peut assurer une transmission réelle valide.

La chevalerie laïque légitime fait alors sur le plan naturel ce que la chevalerie religieuse fait sur le plan surnaturel, à la lumière de la foi et sous la motion de la charité par la grâce rédemptrice de Jésus-Christ.

L’investiture confère au chevalier, avec l’armement symbolique, sa filiation et sa mission.

Le rite liturgique est un sacramental.

3.- Intrinsèquement, l’envoi et la cinction, avec accessoirement la paumée et la colée, jouent le rôle de cause matérielle dans cet acte.

Les paroles qui accompagnent constituent la cause formelle.

Extrinsèquement, la cause efficiente de l’investiture est chez nous le Maître Général ou son délégué spécialement désigné; ailleurs, c’est le pontife ou le chevalier authentique mandaté.
La réalisation de la mission du chevalier est cause finale: chez nous, la propagation et la défense de la vérité, de la justice et de la charité.
La transmission chevaleresque ne modifiera pas la nature de l’homme en puissance d’être chevalier, celui-ci bénéficiera d’un enrichissement accidentel de sa substance.
Je pense que ces précisions pourraient faire l’objet d’étude dans nos Maisons, les Délégués locaux et les Chapelains étant certainement à même de les commenter et de les expliciter.

E.H.M.